Publications

A propos du livre de le livre co-dirigé par  Livio Boni et Sophie Mendelson, Psychanalyse du reste du monde

Remarques concernant le livre co-dirigé par  Livio Boni et Sophie Mendelson, Psychanalyse du reste du monde, La Découverte 2023.

 

Je constate que « le reste du monde » omet deux pays du monde arabe où la psychanalyse est très présente. Tout d’abord le Liban qui a connu une importante présence analytique depuis les années 70. Aujourd’hui, il existe une remarquable et admirable persistance du discours analytique au sein des pratiques et des institutions en dépit des guerres et des turbulences que l’on connaît dans ce pays, grâce à la présence de jeunes analystes, dont un groupe est lié à Espace analytique.

Au Maroc, la psychanalyse été introduite depuis les années cinquante en période de Protectorat, par René Laforgue, premier cofondateur de la première société psychanalytique française  et dont on connait le parcours et les compromissions relevées par Elisabeth Roudinesco dans son ouvrage Histoire de la psychanalyse en France et son texte « Laforgue ou la collaboration manquée » (cahiers Confrontations, n°16, novembre 1986). Le Maroc est de ce fait le seul pays du Maghreb ayant connu une présence psychanalytique en période coloniale. Depuis les années 2000, la psychanalyse existe au niveau associatif et dans les universités. Certes l’ouvrage de Livio Boni signale l’existence de la psychanalyse au Maroc de façon très brève mais hélas biaisée voire erronée. On peut lire page 18 que la psychanalyse est « plus aisément associée à la culture populaire et aux pratiques traditionnelles au Maroc, plus politique et européanisée en Algérie et en Tunisie ». Au Maroc de par son introduction en période coloniale, elle a été essentiellement francophone, avant de tomber dans l’oubli (durant la décennie ayant suivi l’indépendance) par les praticiens marocains après le départ des psychiatres et psychanalystes français (j’ai relaté cette période dans mon ouvrage Psychanalyse en terre d’islam, (ed érès, 2008) avant d’être réintroduite par des praticiens marocains, formés principalement en France. C’est dire qu’elle a été d’abord importée avant d’être réappropriée, « réinventée ». Et ce n’est que très récemment que j’ai personnellement tenté de l’articuler aux pratiques traditionnelles en proposant une approche visant à décoloniser les savoirs et les pratiques (dans mon ouvrage Des djinns à la psychanalyse, nouvelle approche des pratiques traditionnelles et contemporaines, les presses du réel, 2022). Mais cette approche est loin d’être la règle. Elle pourra, j’espère, participer dans le futur à une transmission véritable dans la langue et la culture arabe de la psychanalyse, comme le font les libanais et avant eux les égyptiens, notamment Moustapha Safouan. Ce dernier avait d’ailleurs choisi le Maroc pour organiser un colloque international en 2006 visant à créer une coordination pour la psychanalyse dans le monde arabe, le thème en fut « La différence sexuelle » (les actes ont été publiés dans l’ouvrage Désirs et sexualités, érès 2012). Organisées dans le cadre de la Société Psychanalytique Marocaine, ces journées ont vu la participation de nombreux analystes venus de différents horizons géographiques ; citons notamment Colette Soler, Jean-Richard Freymann, Alain Vanier, Alice Cherki, Nazir Hammad, Adnane Houballah, Fethi Benslama, Karima Lazali, Hourya Abdelouahed…

Enfin en ce qui concerne l’Algérie, je laisse le soin à Karima Lazali, dont je respecte le travail, de défendre l’aspect « potitique » (voir son article page 397), mais à ma connaissance, il n’existe pas à ce jour d’institution psychanalytique dans le pays, contrairement au Maroc ou en Tunisie. Pour ce dernier, il y a eu et il existe actuellement des institutions et une présence psychanalytique, d’abord liée à la France (espace analytique), puis « éclatée » en plusieurs groupes depuis la révolution, mais là aussi je ne saurai en dire davantage.

Jalil Bennani

Bouton retour en haut de la page